Ce matin je prends mon café chez Christine et Bruno avant de reprendre la route sur des petits chemins toujours boueux, mais vallonnés. Et je reçois un appel d’Isabelle, éleveuse de chèvres, celle qui m’a formé au métier, et qui m’annonce vouloir faire bouger les choses faces aux injustices de notre société, les divisions qui nous opposent, les restrictions qu’on nous impose. À tel point qu’elle s’engage dans la course présidentielle. Allez voir sa chaîne Youtube (https://youtu.be/8XbHNWyBSPg). Bref, dans la discussion je n’ai pas regardé la carte et fais un détour. Je rattrape mon chemin et me souviens que Bruno m’a suggéré de prendre mon pain à Beauvoir-en-Lyons car le prochain commerce sera loin. Mais il est 15 heures et la boulangerie rouvre à 15h30. Qu’à cela ne tienne, j’attrape le cantonnier au passage, lui indique que je cherche à joindre le maire pour un bivouac. Il va le chercher mais entre temps, une dame (j’ai oublié de lui demander son nom) s’arrête et me propose un hébergement. Son mari Bruno, fan des ânes, me conduit dans sa ferme à quelques centaines de mètres de là. Il y a des anesses et une jument, mais Honoré restera dans un parc à part, il a peur de la jument. Moi j’ai une petite maison avec la cheminée, de l’eau chaude, une chambre… Le confort total. Et en plus on m’offre un Neuchâtel, fromage local et des endives au jambon pour le repas du soir. Je profite du repos pour recharger le téléphone, faire ma lessive et consulter la météo. Dimanche il va pleuvoir 6 mm et le vent soufflera à 85 km/h. Il faut que je trouve un abri. Je calcule où je serais et contacte le maire qui me rappelle et me propose l’ancien presbytère. Toutefois j’hésite à rester où je suis. Je suis à l’abri, en sécurité, Honoré aussi… Mais je dois passer à Songeons récupérer ma boucle de ceinture commandée chez Déco cuir et je dois aller dans un petit village qui organise un festival autour des ânes et qui se trouve près de Beauvais. J’en reparlerai plus tard. Malgré que j’ai grand besoin d’une bonne pause, je dois prendre la route, tant pi pour ce joli coin.
Aujourd’hui est une journée particulière, on quitte la Normandie, on entre en Picardie. Pas de changement radical au niveau climat, la Normandie nous dit au revoir avec quelques gouttes et du vent. Ce soir ce sera bivouac près d’une salle des fêtes. Au matin le maire et son épouse m’apportent le café et des madeleines. J’adore ce voyage et ces rencontres incroyables. Il a bien gelé cette nuit, il y a du verglas sur la route, Honoré n’a pas l’habitude, c’est amusant. Je vais au plus court pour Songeons, quitte à faire de la route. J’appelle le maire pour prévenir de mon arrivée, il me donne rendez-vous devant le magasin Gamm Vert où je suis rejoint par son adjoint Didier. Finalement au vu de mon parcours, au lieu de me conduire au presbytère, il appelle Thérèse et Michel à qui il demande s’ils veulent bien m’héberger sur leur terrain. Ils acceptent immédiatement et nous nous mettons en route pour rejoindre leur maison. L’adjoint avait raison, ces gens sont charmants et nous avons beaucoup à échanger, et en plus il y a un grand terrain avec une cabane pour Honoré. Jean-Claude, le maire, vient nous rejoindre et me souhaiter la bienvenue sur sa commune. Quel accueil ! Ça commence bien la Picardie. L’après-midi le couple me conduit dans le bourg afin que je puisse faire mes courses complémentaires. La pluie peut tomber et le vent souffler, nous sommes à l’abri et en sécurité. À cause de réorganisation des services de La Poste, celle-ci est fermée et mon colis qui devait arriver jeudi n’est toujours pas là. Je dois attendre mardi. En attendant, Thérèse et Michel m’ont prêté un livre qu’ils ont rédigé pendant le confinement. Le couple y relate de nombreuses anecdotes sur leur jeunesse, leurs parcours d’étudiants, de service militaire pour Michel, leur rencontre aux rendez-vous des jeunesses catholiques agricoles, leurs parcours professionnels et quelques histoires de familles. « Avec cette pandémie, nous avions peur de ne pas pouvoir raconter tout ce que nous n’avons pas pris le temps d’évoquer avec nos enfants. Alors nous l’avons rassemblé dans ce livre qu’ils nous ont aidé à éditer » souligne Thérèse émue. C’est un joli souvenir que le couple laisse à sa famille et je suis touché qu’il me l’ai partagé.
Le vent a bien soufflé et il a bien plu, mais nous étions à l’abri. La poste est enfin ouverte et ma boucle de ceinture récupérée. En route pour ma prochaine pause.
Les chemins sont toujours glissants d’humidité, les dénivelés timides, mais présents. Il y a d’énormes ornières causées par les quads et motos qui arpentent ces chemins. À tel point que plus bas, le maire a fait poser des barrières pour les empêcher de passer. Sauf que les ânes non plus ne passent pas, même débâté. D’ailleurs même moi avec mon sac à dos et le tapis de sol, je ne passe pas. Détour par la route et finalement c’est peut-être pas plus mal. Petite étape à cause des hernies discales, je m’arrête à Lhéraule, profitant que la mairie est ouverte (sans les barrières, je ne serais pas passé par là). C’est tellement rare en campagne ! La secrétaire de mairie appelle un adjoint qui propose le lavoir, mais j’étais attendu à la sortie par les riverains qui ont entendu Honoré s’impatienter le temps que j’étais dans la mairie. Finalement ils me proposent leur terrain avec beaucoup d’herbe et clôturé. Je prends ! Je profite du bivouac précoce pour regarder la carte. Ça n’a pas de sens de remonter vers Amiens, tant pi pour la cathédrale, je n’ai pas trouvé d’hébergement proche ni woofing, je couperais sûrement par Chantilly pour rattraper mon itinéraire initial. Tiens Chantilly, ça me fait penser à quelqu’un, enfin quelques unes plutôt… Je les contacte, si c’est possible, je passerais chez elles. Mais de qui est-ce que je peux bien parler ? Surprise !