J’ai donc passé une nuit fraîche mais agréable (-3°) dans la cour d’un magnifique château féodal, restauré avec soin par Madame Ontrup, une dame âgée qui met un point d’honneur à utiliser des méthodes et matériaux respectueux de l’environnement. Au café nous échangeons longtemps des anecdotes et au moment de repartir elle me glisse un billet. Je suis ému de son geste, la vielle dame me serre dans les bras en me remerciant. Même ses enfants et petits enfants ne l’ont pas étreinte depuis le début de la crise sanitaire. Elle est contre le vaccin et cela l’éloigne de ses proches. Je repars avec ce sentiment étrange d’avoir illuminé la journée de cette dame alors que je n’ai fait que bivouaquer dans sa cour. Je la quitte le coeur lourd, mais il faut profiter du beau temps qui ne devrait pas durer. Je sors des chemins de randonnée pour éviter des passerelles, quand soudain mon téléphone que j’utilise pour les cartes, ne veut plus s’allumer. Il n’a qu’une semaine, il reste 80% de batterie, il n’y a pas de raison… Je suis dépité. Sans téléphone plus de lien avec la famille, plus de liens avec personne mais aussi, plus de carte. Sans téléphone le chemin s’arrête ici. À ce moment-là en plus des vieilles douleurs qui s’imposent, le moral est au plus bas. Heureusement, j’avais oublié de renvoyer l’ancien téléphone dans le colis qui est parti de la poste de Rennes samedi matin. J’appelle à la maison pour chercher un peu de soutien moral parce qu’à ce moment-là je ne sais plus quoi faire. Je pleure comme un bébé, je me rend compte qu’on n’est pas grand-chose dans la solitude. Heureusement c’est mercredi, Véro est à la maison, elle appelle le service après-vente et, comme par magie, le téléphone redémarre comme si rien n’était. Ouf, quel soulagement. Je commence à chercher un bivouac, le soleil décline lentement mais sûrement. En passant devant une maison j’aperçois quelqu’un derrière la porte vitrée je m’avance, c’est Hannah qui va chercher sa maman Marielle et me propose de bivouaquer dans le jardin. L’endroit est très agréable, au bord d’une piscine. Très vite Marielle revient me voir et me propose d’utiliser la douche et m’invites à dîner. Plus tard Marc le papa, me propose de l’accompagner à l’apéritif avec une bière locale et bio. La soirée est très agréable, Keren, la cadette, nous rejoint pour le repas délicieux. Je repars avec du pâté de sanglier maison, du miel maison et du chuchen maison aussi. La nuit s’annonce moins fraîche puisque le ciel est couvert. Au matin, le petit-déjeuner m’attend sur la table, Marc se prépare pour aller à la chasse, puis je reprends le chemin sous les premières gouttes de la journée. Merci à toute cette charmante famille qui a illuminé ma journée pourtant bien triste quelques heures pour lus tôt. Mais finalement la pluie ne fera vraiment son apparition qu’à la pause de midi. C’est désagréable de manger sous la pluie, mais au moins j’aurai eu le temps de nous protéger. Le ciel s’éclaircit, il est temps de repartir, mais c’est le vent du nord froid et saisissant qui nous accompagnera toute l’après-midi. Il est temps de chercher un bivouac, mais au bord de la Rance, il fait humide et le vent domine. Je décide donc de quitter le chemin pour m’approcher du prochain village en espérant que le vent sera moins fort. Hors, il se trouve que le prochain village c’est Calorguen, là où vie Bernard Hinault. Qu’à cela ne tienne, j’appelle la mairie pour trouver un bivouac. Le maire en personne, Marcel Robert, et son adjointe Delphine m’accueillent et m’accompagnent jusqu’au lieu idéal pour être à l’abri cette nuit. Plus tard l’adjointe viendra m’apporter une baguette et m’annonce la visite des correspondants locaux. Un correspondant n’arrive pas seul, il est accompagné du fils de Bernard Hinault qui m’apporte une bouteille de sa cuvée spéciale. Pour le fan de vélo que je suis, c’est un cadeau d’une valeur inestimable. Et la seule visite d’Alexandre Hinault me touche particulièrement. Et le lendemain matin, c’est Martine Hinault, la femme du coureur, qui vient me souhaiter bon courage et me féliciter pour mon action. Là c’est la cerise sur le gâteau. Depuis mon départ, j’ai reçu beaucoup d’encouragements, de félicitations, mais j’avoue que les « bravo, vous êtes courageux ! » de la famille Hinault raisonnent différemment de la part de ces gens qui connaissent la valeur de l’effort. Toutefois, ça n’enlève pas l’importance des autres commentaires qui m’ont tout autant touchés. Je n’ai pourtant pas l’impression d’accomplir un exploit, surtout à la hauteur de ce qu’a fait Bernard Hinault en remportant 5 fois le tour de France… et tant de belles courses prestigieuses… Mais je suis touché. Voilà encore une commune où j’ai reçu un super accueil. Avant de partir, une dame a fait spécialement un détour pour venir m’offrir un pot de confiture de châtaignes de son mari. Je n’ai même pas pensé de lui proposer de faire une photo avec son bébé et Honoré.