La pause chez Fanny à la chèvrerie fait beaucoup de bien aux organismes, tant à Honoré qu’à moi. Les alternances d’orages et de soleil permettent aux champignons de pousser généreusement, de beaux bolets feront nos repas de la journée. Avec les œufs des poules de Fanny et ses délicieux fromages, c’est le bonheur. D’ailleurs c’est une aubaine car pour se ravitailler par ici, c’est difficile. Il y a peu de commerces et mes valises sont presque vides.
Même si la pause a été brève, ce matin je pars avec le moral dans les chaussettes. Je ne sais pas pourquoi mais c’est pas la grande forme. En plus Honoré est un peu chiant ce matin. Mais rapidement il comprend que quelque chose ne va pas et s’assagit.
Je pars assez tard en espérant croiser Fanny, mais finalement c’est son chien que je croise, qui se promène sur le GR. Il accompagne une famille qui marche en direction de la ferme, je préviens Fanny qui le récupérera un peu plus tard. Il y a beaucoup de sources par ici, ce matin on passe celle de la rivière Ardèche. Il y a peu de commerces, mais aussi peu d’habitations et de villages. Difficile de s’approvisionner même en eau. Heureusement à la croisée du GR 7 et du GR 4, il y a un restaurant. J’espère pourvoir y faire le plein des gourdes, et pourquoi pas y bivouaquer. Mais le resto est complet, le coup de bourre vient de passer et la serveuse exténuée me repousse d’un « c’est pas le moment » ! Le prochain ravitaillement en eau est à 12 km. Et en plus il y a du dénivelé aujourd’hui ! Plus loin je rencontre un couple fort sympathique qui me pose les questions habituelles sur notre tour de France. Il m’offre sa bouteille d’eau et me propose de participer à la cagnotte leetchi.com/c/tdfane. Je suis très touché, d’autant que cette journée est vraiment compliquée. Et en plus je dois faire plus de kilomètres que je ne l’aurais souhaité. Heureusement, le couple qui est de la région m’indique une abbaye où, sans aucun doute, je pourrais bivouaquer.
Il se trouve que la fameuse abbaye n’est autre que Notre-Dame-des-Neiges dans laquelle avait séjourné Robert-Louis Stevenson. Cette rencontre est providentielle. Honoré a été remarquable aujourd’hui, il m’a beaucoup aidé malgré un début de journée compliqué. On a passé des endroits très difficiles d’accès, sauté des barrières, grimpé des rochers et descendu des chemins de galets abruptes. Au final, on a parcouru 28 km avec 800 m de dénivelés positifs avec de forts pourcentages et 900 m en négatif. Autant dire que ce soir je monte le campement, un coup de gant pour la toilette, une soupe et au lit. La journée de repos chez Fanny est réduite à néant avec ces efforts.
La nuit fut agitée par la douleur au genou, c’est décidé je vais accepter la proposition des Ânes de Philémon (qui m’a envoyé un message via un groupe d’âniers) et faire une pause chez lui. Mais d’abord ravitaillement. La supérette de La-Bastide-Puylaurent est bien dévalisée mais ça fera l’affaire, les sacoches sont vides et j’ai faim. Juste après on traverse l’Allier qui prend sa source un peu plus haut, nous passerons tout près après la pause déjeuner. Encore un volcan à grimper et c’est dans les nuages que je fais la pause déjeuner. Honoré ne mange pas, reste à l’affût, mais de quoi ? De temps en temps j’entends un bruit que je n’arrive pas à identifier… La pause fût rapide encore car des averses sont encore annoncées et j’ai trouvé un camping où je pourrais prendre une douche et laver mon linge. Il y a même un parc pour ânes, merci Stevenson. Après la pause on traverse un parc d’éoliennes récent mais quand même bruyant, c’était ça le bruit que j’entendais et qui inquiétait Honoré. Avec les nuages je ne les avais pas vu, mais une éclaircie les laisse apparaître, c’est impressionnant, étouffant. Puis la descente, les crottes d’ânes qu’Honoré s’empresse de lire (il y a des messages dedans, chut, c’est pour les ânes). Enfin, nous traversons la rivière Allier, ou plutôt le ruisseau, puis plus loin on la passe carrément à gué. Enfin on arrive au camping, un peu de confort fait du bien. Honoré a un immense parc avec de la bonne herbe bien verte, mais il ne me voit pas, il s’inquiète, m’appelle.
Comme on est sur un chemin de randonnée réputé, il y a beaucoup de randonneurs qui font halte ici. C’est le cas de Léa, une jeune venue de région parisienne qui a fait Compostelle et qui a besoin de retourner aux sources du chemin pour méditer et se concentrer sur ses choix de vie. Comme je la comprend ! La conversation est riche, un bel échange.
Je profite du camping pour une nouvelle pause, reposer mollet et genou et esquiver les nouveaux orages annoncés. Sur la route j’avais cueilli des coulemelles, au camping il y a des mousserons. La nature m’offre encore trois repas, ça fait du bien. Je suis en pause de marche certes mais pas en pause concernant les déchets. Je profite d’avoir accès à l’électricité et recharger mon téléphone pour poursuivre mes démarches politiques et faire avancer le projet de loi. N’ayant pas de réponse de la part des députés, je décide d’aller à la pêche de nouveau via le site de l’Assemblée Nationale. Comme je ne suis plus particulièrement attaché à une circonscription, je décide de chercher par mot clé. Hé bien figurez-vous que dans la liste des mots clés suggérés par l’Assemblée Nationale, aucun ne fait référence à l’environnement, ni à la pollution, ni au dérèglement climatique, même pas à l’écologie d’une manière générale. Comme s’il n’y a aucun problème à ce sujet. Allô, y’a quelqu’un ? On attend quoi pour s’inquiéter ? Non je dis ça, c’est pas comme s’il y avait des millions de morts à cause des déchets plastiques quand même !
Bref, les orages sont passés, à côté de nous heureusement, on reprend la route à la recherche de pain. Mais il n’y a pas de boulangerie. Quand par chance je trouve une épicerie, les prix sont multipliés par deux et on n’accepte pas la carte en dessous de 15 €. Sachant qu’il y a un distributeur tous les 80 km je trouve que la notion de commerce par ici est un peu poussée à la consommation. En même temps, ils ont passé l’été à avoir des bobos parisiens qui sont venus se prendre pour Antoinette dans les Cévennes, je comprends qu’ils soient fatigués  Mais moi j’y suis pour rien.
Enfin j’arrive à Le Bleymard où on me propose de bivouaquer au camping, de forts orages sont annoncés : « ne vous mettez pas trop près du ruisseau » m’annonce la secrétaire de mairie. Bon c’est pas rassurant mais les locaux semblent plus optimistes. Le camping est au bord de la source du Lot, département que j’espère traverser dans quelques semaines.