En quittant l’étang, je me demande si je dois prendre l’itinéraire le plus court ou celui de randonnée pour rejoindre Redon. Je choisi le bucolique et ne le regrette pas. Un petit peu de dénivelés pour se remettre en jambe, du bois, peu de route. Puis on rejoint le canal de Nantes à Brest. Malgré les nombreux ponts, dont quelques uns métalliques, Honoré traverse Redon sans encombrement et se permet même une pause à l’arrêt de bus du lycée, le temps que je prenne mon pain. Nous poursuivons le canal que nous quitterons en entrant dans le Morbihan et en rejoignant une autre rivière, l’Oust. Ça y est, nous sommes vraiment en Bretagne. D’ailleurs ici les noms des communes sont écrits en français et en breton, au cas où on se soit téléporté jusqu’ici. Les paysages changent et se valonnent davantage. Le canal et les rivières sont toujours incontournables par ici, on passe de l’un à l’autre alors qu’autour, les abords s’élèvent. Il y a même une via ferrata et des cours d’alpinisme, tandis qu’en bas on loue des canoës et des vélos. Il est temps de trouver un bivouac et comme les lieux sont peu habités, j’appelle la mairie. La secrétaire me donne les coordonnées d’un gîte d’étape… j’appelle et Myriam et Pierre-Marie qui me proposent un bout de terrain sur leur ferme des Ménéhy. C’est un poney club mais aussi gîte, camping, accueil pour scouts… et il y a aussi l’amoire à jeux. Tout le site est géré en totale harmonie avec la nature et le respect de l’environnement. Dommage que je n’ai pas pris le temps de bavarder avec eux, aussi très pris par leur travail en cette fin de saison. Mais il faut avancer et de nouveaux jolis paysages s’ouvrent devant nous. Enfin devant moi parce qu’Honoré regarde à droite, à gauche, derrière… puis s’arrête. J’avais lu sur le blog de Stéphane Blaise et son âne Marius https://heureuxquicommemarius.com, que Marius avait parfois une attitude bizarre en Bretagne. Stéphane attribuait ça avec humour, au fait que son âne devait entendre des Korrigans. Est-ce que c’est ça, je n’en sais rien mais toujours est-il qu’il est parfois étrange. Il en a bien entendu un Korrigan, c’est le nom de l’âne avec lequel Charlotte a parcouru plus de 1000 km entre Guérande et l’Ardèche. Toutefois, cet après-midi là alors que nous sommes sur la « butte des cinq moulins », c’est le silence qui se fait remarquer. Pas un bruit, même pas le vent, pas même le chant d’un oiseau. Nos pas résonnent sur les racines des pins qui bordent le chemin, comme un tambour sans orchestre. C’est impressionnant, inquiétant même. Puis nous redescendons et la civilisation nous rappelle à son bon souvenir en arrivant devant un élevage industriel de volailles je suppose. Une quantité impressionnante de stabulations, silos et autres bâtiments agricoles. Il est temps de s’arrêter mais pas ici. C’est un peu plus loin que je trouve sur la carte l’ancien couvent de Bodélio. J’espère qu’il y a quelqu’un parce que je suis épuisé, Honoré aussi et la prochaine habitation est loin. J’appelle, insiste, rien. Je rappelle, plus fort, insiste encore puis Agathe sort d’un mobile home. Elle me fait visiter les lieux qu’elle a acheté avec ses frères suite à un coup de cœur, pour le rénover et en faire un lieu éco responsable. Le seul endroit assez plat pour poser la tente est l’ancien cloître. Les bâtiments qui datent du XIIIème siècle je crois, sont en mauvais état et certains menacent de s’écrouler. Honoré recommence à écouter autour de lui, oreilles tendues. Puis reprend ses activités de broutage et de roulades. C’est vrai que l’ambiance du site est étrange, mais énergétique. La nuit fut juste animée par le chant des chouettes résonnant dans les ruines, ajoutant une part de mystère au site. Le lendemain matin, le réveil se fait sous une grosse nappe se brouillard épais. Associé au site, j’ai l’impression d’avoir été transporté en Écosse ou en Irlande. Ceci dit, l’ambiance n’est pas très rassurante mais le jour se lève vite et la lumière devient plus chaleureuse, bien qu’encore épaisse. Au fur et à mesure de notre progression, le temps se lève et les paysages de plus en plus beaux. Après un parc de dinosaures, s’amorce la descente vers Rochefort-en-Terre, classé un des plus beaux villages de France, à juste titre. La descente est technique faite de sentiers étroits, parfois bordés de murets en ardoises, parfois périlleux de par la nature du terrain, tantôt de pierres érodées par les pluies ayant creusées de véritables creuvaces, tantôt sablonneux et glissant, parfois très abruptes. Pourtant Honoré semblait à son aise, sûrement plus que moi qui avait du mal à tenir mon équilibre avec mon sac sur le dos. Joli village disais-je, mais pas de pain. Et je vais attendre un peu pour me mettre au régime local à base de kouign amann. Le reste du parcours est moins technique, bien qu’encore une descente abrupte nous attende. Les pieds se faisant lourds, il faut trouver un bivouac. D’autant que la pluie est annoncée et la tente est déjà bien humide du brouillard matinal. Plusieurs riverains m’envoient à la mairie. J’arrive à la mairie de Molac où rapidement Honoré devient l’attraction, la secrétaire appelle un adjoint qui me propose son terrain. Il m’y attend et m’offre un jus de pomme maison, et délicieux, des pommes de terre et des carottes de son jardin. Je me fais donc une poêlée de pommes de terres, mais je n’emporterai pas le reste, trop lourd et il faut trop de gaz pour les cuire. Il a plu une bonne partie de la nuit, la tente est trempée et il faut plier mouillé. Je passe devant la boulangerie et prends mon pain, la journée commence joliment. Encore du brouillard, on n’aperçoit que les mâts des éoliennes. C’est étrange. Le ciel est menaçant mais les averses rares et rapides, pas besoin de mettre l’imper. Encore de jolis chemin toute la journée, quelques erreurs de navigation dont une qui m’aurait bien fait tourner bourique. Même le GPS ne s’y retrouvait pas dans cette forêt dense. Même le Dolmen tout proche était tout retourné. D’ailleurs je n’en retrouve pas la photo… Honoré passe plusieurs passerelles, je suis super fier de lui, sauf la dernière. Pourtant il s’est bien engagé, mais une planche a craqué et il est parti en courant, me renversant au passage. J’espère qu’il n’aura pas peur à nouveau pour les prochaines. Ici les déchets sont gérés par les communautés de communes et rares sont les bennes collectives, mis à part dans les zones résidentielles. Difficile donc de me décharger. Ce soir atelier couture, je dois réparer une sacoche qui commence à se découdre au niveau de l’accroche. Je pense que les bonds de cabris qu’a fait Honoré hier, ont bien tirés sur les coutures. Il faudra que je surveille tout ça dans les prochains jours.