Ce dimanche il neige, une véritable journée de repos encore imposée avant le départ. Et ça fait beaucoup de bien. J’en profite pour organiser mon arrivée, je dois trouver un compagnon pour Honoré, un camion pour le transport des ânes… J’ai du pain sur la planche.
Il est vrai que ces derniers temps j’ai peu parlé des déchets. C’est que forcément quand on est en pause, on ne ramasse peu. Pourtant comme il y a un point de collecte pas très loin, je vais faire mon tri et me débarrasse des déchets afin de repartir à vide.
Et voici l’heure de partir de cette agréable pause. Le soleil semble nous indiquer que c’est le bon moment. Le départ comme toujours est maladroit à cause de l’émotion, finalement c’est Honoré qui donne le ton en foulant les premiers pas sur la route. D’ailleurs je constate immédiatement que la pause lui a fait le plus grand bien. Je retrouve mon âne d’il y a quelques semaines, volontaire et concentré en route vers de nouveaux horizons. On commence par descendre dans la vallée avant une belle et longue montée qui nous conduit sur le plateau de Tauves sur lequel on tombe nez à nez avec le massif du Sancy. Au sud c’est le Cantal qui est tout blanc et qui brille sous le soleil radieux. Honoré avance d’un bon pas mais de temps en temps il s’arrête à cause d’un rondin ou d’un piquet pas à sa place. Bref, dans l’ensemble la journée est plutôt agréable. Je crois que j’ai pris 150 photos du Sancy, de la Banane d’Ordanche, le Puy-de-la-Tache… Des reliefs où sont né l’idée de partir ramasser les déchets. C’est émouvant d’en faire le tour par ici, être si près sans parcourir ces chemins. Mais la neige et les barrières d’estive m’en empêchent.
Pour autant, la vue est magique avec ces contrastes neige-herbe, soleil-ciel bleu. On en oublie même de compter les kilomètres et on arrive ainsi à Saint-Sauves-d’Auvergne. Il a parfois fallu jouer les sangliers pour passer certains chemins et faire quelques détours à cause de ponts trop bruyants avec le courant des ruisseaux gorgés d’eau. J’arrive sur la commune juste à la fermeture de la mairie. Heureusement j’avais appelé en route mais il est 17 heures, la nuit tombe très vite et le froid l’accompagne. Des élus m’ont rejoint et m’accompagnent sur le lieu de bivouac. Inquiet des températures négatives annoncées, une adjointe court à la mairie chercher la clé du gîte communal sous la fenêtre duquel je peux attacher Honoré. C’est parfait je suis à l’abri Honoré est devant la fenêtre et j’ai de l’eau et une prise de courant. Le grand luxe !
Il a bien gelé cette nuit, je ne sais pas combien affichait le thermomètre, mais c’était bien blanc ce matin. Certe on est à 868 m d’altitude et nous sommes entourés de neige. Ce matin, cette après-midi aussi d’ailleurs, il y avait pas mal de verglas malgré le sel réparti sur les routes. Honoré n’aime pas cette sensation de déséquilibre. Il est comme moi, il en a marre du chemin et rechigne sur pas mal d’obstacles qu’il ne calculait même pas auparavant. Comme les ponts ! Autant on a galéré sur les passerelles, mais jamais aucun refus de pont, pourtant on en a passé quelques uns impressionnants (le pont à bascule de Braut, le pont Eiffel de Touaret près de Nantes, le pont qui traverse la Seine…) Il s’arrête aussi à chaque rondin de bois, certains poteaux téléphoniques, les veaux (pas les vaches ni les taureaux). Bref il est chiant.
Le compte à rebours a commencé, même si j’essaie de ne pas y penser, chaque jour on me demande combien de kilomètres il me reste, ou combien de temps. Pour moi c’est pareil. Au détour d’un chemin, je me trouve face au Puy-de-Dôme ! Enfin, je le vois ce géant d’Auvergne, le phare comme j’aime l’appeler. Et l’image est émouvante car j’ai la même vue que la veille du départ lors de mon dernier apéro en terrasse, mais en sens inverse (effet miroir) vu que je suis au sud du Puy-de-Dôme et que je suis parti du nord. Ça veut dire que je pourrais le voir jusqu’à l’arrivée. Ha qu’il a raison Stéphane Blaise quand il me prédit que les derniers kilomètres seront difficiles.
Ce soir il va encore geler fort, j’appelle la mairie de Rochefort-Montagne pour trouver un bivouac. Un adjoint me rappelle et me propose le terrain de foot et les vestiaires chauffés. Parfait, je serai encore au chaud ce soir. Mais c’est dur, Honoré me fait sentir son mécontentement. Les élèves du lycée ont une séance de rugby cette après-midi, ce soir il y a foot pour les jeunes. Mais je suis au chaud.
Ce matin le ciel reste gris, la route verglaçante et les arbres blanchis de givre. Les températures restent négatives et ce que je pensais être une engelure à l’index semble plutôt être un panaris. J’ai du mal à mettre les gants, il va falloir que je trouve une pharmacie. Le ciel ne permet pas de voir le Puy-de-Dôme, mais je sais où il est, on vient de rejoindre le GR441 que j’avais emprunté pour prolonger le GR30 et monter au sommet du géant d’Auvergne. C’est en partie sur ce chemin que j’ai commencé à réfléchir à une solution pour lutter contre les déchets. Heureusement aujourd’hui il y en a peu, de toutes façons j’ai trop froid aux doigts pour les ramasser. Il est tombé quelques flocons le temps de la pause déjeuner, je décide d’écouter la journée à Mazayes pour me réchauffer. La secrétaire de mairie me propose d’aller à l’auberge, mais à 71€ la nuit, pas question pour moi, c’est plus que mon budget alimentation pour le mois ! Je reviens à la mairie, au dessus il y a un gîte pour randonneurs. Je devrais m’en contenter, mais à 13€ la nuit, il fait un peu frais et Honoré est loin de moi. Je ne sais pas si c’est lui ou moi qui se sent le plus seul… Mais au moins je ne vais pas congeler dans le duvet.
Ce matin je passe à Pontgibaud et m’arrête à la pharmacie, j’ai trop mal au doigt, il y a une infection, je dois agir. Le pharmacien essaie de m’obtenir rapidement un rendez-vous avec un médecin local, mais tous sont surchargés. Il me donne un désinfectant mais il insiste, je dois voir un médecin. Je poursuis ma route et commence à fouiller dans mon application Doctolib pour dégoter un rendez-vous avec mon médecin dès mon arrivée. Mais pas de réseau… J’avance quand je me souviens que Michel (chez qui est né Honoré) m’avait parlé d’une Marine à qui il a vendu des ânes et qui habite tout près. Je prend la direction de chez elle et dès que possible je l’appelle. Elle me rappelle à midi, c’est Ok pour monter la tente à l’abri. Cool, je pourrais faire mes démarches dans l’après-midi. Mais en arrivant à la ferme, la douleur au doigt est insupportable, j’ai chaud, froid mal au bras…. Marine appelle son médecin qui ne peux pas me prendre et me conseille les urgences. Dubitatif, j’appelle le 15, j’envoie une photo du doigt, le médecin régulateur m’envoie une ambulance. Bon, Honoré est à l’abri, Marine gère une ferme pédagogique, La ferme de Marinette, où il y a donc des ânes avec qui Honoré peut discuter. Il peut galoper, manger et boire, parfait pour lui. Je passe la nuit aux urgences et rentre le lendemain en fin de matinée. Merci à tous pour vos nombreux messages de réconfort. Repos aujourd’hui et on redémarre demain sans faute, après la météo sera trop compliquée pour rentrer. Merde, il reste 80 kilomètres, on va arriver à les faire ! Il reste quatre jours de marche, trois nuits à trouver un abri, pas question de bivouaquer, il va geler trop fort.
J’ai trouvé pour les deux dernières nuits, reste demain mais j’ai deux options. Ouf, y’a plus qu’à marcher.
Je remercie profondément Marine et son mari Hervé ainsi que leurs trois charmants enfants de l’accueil qu’ils m’ont réservé, c’était vraiment chouette de se sentir en sécurité dans ce moment compliqué. Et du coup, il y aura une autre publication de la fin de notre parcours. D’autres suivront pour tenir informé de l’évolution du livre, des compagnons qui rejoindront Honoré, de la « loi Honoré »…
Merci aussi à tous ceux qui ont participé à la cagnotte leetchi.com/c/tdfane et qui ont soutenu notre tour de France. Je laisse la cagnotte encore ouverte pour une visite de contrôle pour Honoré, ostéopathe et parage des pieds. Et le reste servira à l’édition du livre.